L’élection répond à deux définitions. La première est celle de la désignation par un vote. La deuxième définition fait de l’élection un choix par « la main de Dieu ».
Comment distinguer ces deux types d’élections, seulement dotés d’un discernement humain relatif, et sans aucune certitude sur l’entendement divin ? Commençons par les définitions.
Par Ysabeau Tay Botner*
La pratique du vote est aussi ancienne que l’existence des sociétés organisées. Il s’agit de l’un des procédés utilisés pour la sélection de ceux qui vont détenir du pouvoir. L’expression du suffrage va constituer la source de la légitimité du pouvoir conféré.
La définition de la « légitimité » est : « la conformité à un principe supérieur qui, dans une société et à un moment donné, est considéré comme juste ». Dans une démocratie, le principe supérieur en question est la voix du peuple qui s’exprime. Mais l’ambiguïté entre désignation par le peuple et par la main de Dieu demeure dans la vieille maxime : « Vox Populi, vox Dei ». L’expression « principe supérieur » dans la définition de la légitimité renforce la difficulté à distinguer les deux formes de légitimité issues des deux modes d’élection, par le vote, ou par le Destin.
Ce qui est plus sûr, c’est que la notion de légitimité ne recouvre pas celle de légalité, qui est plus restreinte, et qui caractérise seulement ce qui est conforme à la Loi.
Être légitime, selon le dictionnaire Robert, c’est être jugé comme tel par les autres.
L’élection par le vote est inséparable de la démocratie, même si la définition du statut d’électeur, peut varier selon les époques, et les régions du monde. Les cités antiques, les républiques patriciennes, pratiquaient l’élection. Les compagnies marchandes, les sociétés savantes aussi. Les ordres religieux et les instances judiciaires utilisent toujours le vote de nos jours. Les uns et les autres ont peu à peu défini des règles pour les procédures de vote et le décompte des suffrages, parfois contestés voire contestables.
Dans l’Antiquité, l'Ecclésia définit à Athènes, l’assemblée des citoyens. Elle vote les lois, le budget, la paix ou la guerre. Elle tire au sort les présidents du conseil, les membres des tribunaux, les magistrats qui dirigent la République, et élit les stratèges. Chaque citoyen d’Athènes a la possibilité de participer régulièrement à l’assemblée qui décide de tout, mais aussi, au moins une fois dans sa vie, d’exercer une magistrature.
La désignation par le vote se place aux côtés d’autres modes de choix des détenteurs de pouvoir, comme : la naissance ou l’adoption -avec la transmission héréditaire-, la cooptation, le tirage au sort.
L’Élection par le Destin ou le Divin
Les langues française et hébraïque ne distinguent, ni l’une ni l’autre, un choix opéré par des humains, ou celui fait par Dieu. Les termes « bahar » (choisir) ou « bahir » (choisi) sont les mêmes, dans l’Ancien Testament, pour définir l’élection, et l’élu. Ainsi, lorsque Dieu choisit un peuple, ou que des individus en choisissent d’autres dans ce peuple, les mêmes termes sont utilisés.
Il est attendu d’un « Élu », au-delà de sa compétence, d’incarner un chef, un dirigeant, un leader. Mais le danger est en effet qu’aveuglé par son statut, il ne se transforme en despote, idolâtré, et même en gourou.
En Théologie, l’Élection signifie aussi prédestination à la Grâce, ou à la Gloire, éventuellement à la Grâce et à la Gloire. La prédestination à la Grâce est issue de la pensée janséniste, à la fin du XVIème siècle. En réaction aux positions considérées comme trop laxistes de la Compagnie de Jésus, le jansénisme prétend que la Grâce du Salut serait accordée par Dieu aux Hommes indépendamment de leurs mérites, niant ainsi la liberté humaine au profit d'une prédestination divine.
Évidemment, la place du libre-arbitre se pose éminemment au regard d’une telle doctrine.
Augustin, pilier du christianisme, affirme que l'homme est incapable de gagner ou de mériter si peu que ce soit la Grâce divine par lui-même. Dieu la lui donne gratuitement. Et Calvin fait entièrement sienne cette affirmation dans le Traité sur la prédestination de 1566.
Le Sacré dans l’Élection
Le « sacré » occupe donc une place de choix dans le sujet de l’élection, que ce soit par le vote, ou par la prédestination, ou main de Dieu.
Le sacré, selon le dictionnaire Larousse, est le lien médiateur entre le profane et le divin.
Le Roi Salomon, à la suite de David, incarne une forme de pouvoir de Droit divin. Sceptre, globe, et couronne font clairement allusion aux cérémonies de couronnement des monarques français sous l’Ancien Régime, qui étaient crédités d’une double nature, temporelle et spirituelle. C’est de droit divin que le pouvoir est ainsi exercé, ou la Justice prononcée.
Selon Platon, une société repose sur le principe que le pouvoir doit être détenu par des élus capables de contempler ce qu’il appelle les réalités intelligibles, les idées, couronnées par le Bien. Comme l’explique le mythe de la caverne dans le livre 7 de « La République », ce sont ceux qui ont réussi à s’extraire d’une perception fallacieuse de la réalité dans laquelle vivent généralement les Hommes, prisonniers des ombres entrevues sur le mur de leur geôle, éclairée par le feu.
Il est utile de souligner que l’élection induit forcément la non-élection, de ceux qui ne sont pas choisis. Ceux qui demeurent non-élus, doivent pouvoir l’accepter. Les sentiments de frustration et de jalousies sont dangereux dans une société. L’Orgueil et de l’Ambition sont de mauvais compagnons qui doivent avoir été jugés et décapités à la fois par les élus, et les laissés pour compte de l’élection. Sous peine, à défaut, d’empoisonner l’ensemble de l’organisation en son sein. Le risque est la guerre. Un système de discipline interne, relevant de la Justice, est indispensable à toute Institution, au moins pour cette raison.
Conclusion
Tout groupe a besoin d’une organisation pour permettre le Bien commun.
L’Élection conduit à l’Autorité, légitime, qui a pour corollaire l’obéissance. L’Élection est utile et nécessaire, car elle permet à la Cité de fonctionner harmonieusement, dans l’intérêt de l’ensemble de ses membres.
Selon Aristote, dans « La Politique » le gouvernement parfait que nous cherchons est précisément celui qui assure au corps social la plus large part de bonheur. Ainsi le choix, c’est-à-dire l’élection, est un acte de discernement, qui fixe la volonté de ce qui paraît le meilleur. L’Élection, qu’elle soit permise par le vote ou par la main du hasard, c’est-à-dire pour certains du divin, a pour vertu de donner à un sujet une place dans une société.
L’ensemble du parcours de vie d’un individu n’a-t-il pas pour sens et enjeu de trouver sa juste place dans le Cosmos, ainsi que les philosophes grecs nous le suggèrent ?
*Ysabeau Tay Botner est une observatrice du monde qui nous entoure : journaliste de formation, artiste par vocation, elle voyage sur tous les continents à la recherche de l'Universel.