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Sommes-nous des Êtres responsables ?

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creon-antigone-haemon.jpgPour répondre à cette question il est nécessaire de définir cette notion de « Êtres responsables ». Par nos actes, nos écrits, nos positions, etc., c’est notre responsabilité qui se trouve engagée, et elle est souvent considérée – un peu rapidement – comme seulement individuelle, alors qu’elle s’inscrit toujours et inévitablement en écho dans une responsabilité collective qui nous incombe, alors oui, par nécessité, devoir et fraternité nous nous devons d’êtres des Êtres responsables.

Par Patrick Lefrançois

Il s’agit donc de creuser notre relation personnelle au monde comme Humaniste au sein de la communauté des Hommes, mais surtout et également pour nous-mêmes. Je concentrerai mon propos contenu dans la sphère du monde occidental, façonné par la culture monothéiste, elle-même ayant puisé dans la philosophie antique, celle des Grecs anciens. Gardons bien en tête l’étymologie du mot Responsabilité, c’est pour la forme première « l’obligation de répondre de ses actes » et s’attachent aussi les notions de devoir se porter garant, de respecter la parole donnée, une loi éthique : un principe moral, assumer ses promesses. Je vais vous proposer, ne pouvant couvrir tout l’arc des responsabilités possible, un choix restreint en empruntant un chemin ponctué en cinq étapes courtes que je vais vous soumettre.

La grande responsabilité d’Adam

Alors donc – selon la Bible – Adam perdit de son innocence en « goûtant avec Ève » à l’arbre de la connaissance et porte la responsabilité de son désir d’émancipation, qui le conduira à assumer son devoir de Liberté ainsi conquise. Ayant transgressé le « dictat » de son créateur, il posera inconsciemment les prémices de la possibilité de la « Loi des hommes » bien avant l’heure. Il s’agit ici du premier pas résolument responsable engendrant cette idée indéfinie alors, la Liberté portant les conditions de l’émancipation. Adam porte également, en s’affranchissant par ce geste, la toute première responsabilité personnelle de l’humanité – geste partagé avec Ève bien entendu – et ce geste partagé entraînera toute la collectivité humaine dans cette modification de la « Loi de Dieu » – celle qui était alors en vigueur – en lui substituant la « Loi Divine » promue et adoubée par celui-ci – Dieu en l’occurrence –. On peut noter, en effet, le déplacement, la délégation de cette loi par Dieu aux évêques – religieux, églises, monarchies – qui s’appuieront mutuellement sur ce pouvoir temporel, devenu omniscient et omnipotent pour asseoir les distinctions entre les hommes où la loi en héritage, héritage de « la condition », héritage des « charges », héritage patrimonial naturellement, héritage immuable donné en tout lieux et qui ne se récuse pas. Une cité baignée de vertus cardinales en quelque sorte, la « Cité de Dieu »...

Ainsi dans cette prise de responsabilité initiale qui consista à s’affranchir de « la Loi de Dieu » Adam et Ève posèrent la première pierre de la possibilité de « la Loi des hommes » Loi promue sur des principes égalitaires. Ce travail, issu d’un long processus de libertés acquises, nous propulsera dans une révolution humaniste dont la devise proclamée sera Liberté, Égalité Fraternité. La communauté humaniste en sera l’outil pour une grande part et maintiendra sous la pression des contre-révolutionnaires la « Loi des hommes » adossée aux principes égalitaires, soutenus par l’éthique dans ce combat.

Ces Lois, par les constitutions les abritant, développées et enrichies par les philosophes des Lumières anglaises, françaises et allemandes, sans oublier l’apport décisifs des constitutionalistes – inspirés par l’humanisme des Lumières pour une part non négligeable – provenant des États-Unis…, pour le plus grand profit de l’homme libre.

La responsabilité de l’« intime », la voie tracée par Antigone

La responsabilité implique de bien discerner les obligations morales et « familiales », des lois de la cité… Antigone est l’exemple le plus marquant de l’injonction refusée au Roi de Thèbes qui exprima au nom de la loi de la cité l’interdit de sépulture. Vécu comme disjonction de son devoir de responsabilité, Antigone dénia cette loi fixée par les hommes et décida d’appliquer la Loi « naturelle », un sacrifice pleinement consenti dont sa sanction fut la mort.

Une voix forte au sein de la tragédie de Sophocle, Antigone choisit cette voie, écoutons Sophocle :

Créon

- Et ainsi, tu as osé transgresser mes lois ?

Antigone

- Oui, car ce n’est pas Zeus qui les avait proclamées, ni la Justice qui siège auprès des Dieux infernaux. Non, ce ne sont pas ces lois qu’ils ont fixées pour les hommes. Et je n’ai pas pensé que tes proclamations puissent avoir assez de force pour permettre à un mortel, à un simple mortel de passer outre aux lois non écrites et inébranlables des dieux.

Rappelons la constitution de cette étrange fratrie, Antigone est fille d’Œdipe et de Jocaste. Sœur d’Étéocle, de Polynice et d’Ismène mais également sœur d’Œdipe – son père – puisque celui-ci épousera sa propre mère Jocaste, – après qu’Œdipe eut tué son père Laïos – et engendra quatre enfants avec celle-ci. À la suite de l’exil volontaire, puis de la mort d’Œdipe à Colone, les deux frères s’entre-tue pour la succession de leur père/frère. Créon, oncle d’Antigone ordonne alors que soit célébrée des funérailles solennelles pour Polynice et refuse que soit donné une sépulture à Étéocle. Antigone prendra alors la responsabilité de braver cet interdit, enterrera le cadavre de son frère et érigera un petit monticule !

Antigone prend la responsabilité, au nom des lois non écrites, communes à tous les hommes, sorte de droit « naturel » qui s’opposerait au droit positif, – celui de la cité –, d’appliquer cette loi presque « cosmologique ». C’est alors qu’elle engage sa responsabilité, qui s’individualise, se subjective et ainsi s’universalise, ce n’est plus un ralliement à un collectif – famille, classe, nation, etc. –, mais un engagement pour autrui, pour un absolu. Consciente de la supériorité de son action, d’avoir choisi cette voie, elle sera la victime expiatoire de cette famille perdue. Révoltée contre cette famille, elle portera la responsabilité d’honorer la mort de son frère et de faire respecter la « loi des dieux », en bravant la « loi des hommes ».

Antigone est définitivement du côté des bannis après avoir accompagné son père dans son exil, victime de son destin, elle en assume sa responsabilité avec courage.

Dans ce récit apparaît également le rôle de l’intentionnalité dans l’imputation de la responsabilité, le lien objectif entre l’action et l’intention, cette notion juridique qui est l’objet déterminant aussi bien dans la désignation de la responsabilité pleine ou partagée dans le droit civil et/ou pénal.

Tensions entre responsabilité et culpabilité, la filiation joue-t-elle encore !

Le sentiment de culpabilité est le fait de se sentir coupable d’avoir failli à son devoir de responsabilité. Ce sentiment est fondé sur l’idée mais aussi la réalité de ne pas avoir bien agi, d’avoir manqué à ses obligations morales, il prospère, et souvent à juste titre, sur l’idée que nous sommes responsables de ce qui est arrivé ou des conséquences liées à nos actes, voire non-actes. Cela se traduit par un regret, nous procure la sensation d’être en dette vis-à-vis des autres mais également et c’est sans doute le point le plus essentiel, cela développe la mésestime de soi, de la tristesse, voire un effacement sain de notre perception personnelle. Ce sentiment très fort peut aller jusqu’à entraîner un dégoût de soi.

Or, rien ne dit – en première intention – que nous soyons « totalement » responsables de nos actes. Certaines situations sont les conséquences d’imprévus, de facteurs non maîtrisés au sein d’actions collectives dans lesquelles nous nous trouvons happés parce que nous n’avons pas anticipé les mouvements dus à certaines prises de positions politiques, morales ou autres…

Considérons la célèbre injonction attribuée à Spinoza, Goethe ou Nietzsche, Deviens ce que tu es, fais ce que toi seul peut faire. Ce chemin de la connaissance de soi consiste à se libérer de ses illusions pour tenter d’accéder, malgré les obstacles, à une définition de ce que nous sommes vraiment. C’est un chemin de vérité tourné vers la liberté, la responsabilité. Là où l’injonction individualiste consisterait à s’accepter soi-même sans comprendre, l’interprétation humaniste rajoute une étape préalable : celle de la connaissance de soi. Ce chemin de la connaissance de soi induit inévitablement la volonté de se voir libre, autonome et émancipé, maître de ses pensées et induit à cet instant la responsabilité de nos actes.

La responsabilité collective semble parfois nous échapper, en effet, si les institutions détiennent un pouvoir terrifiant, protecteur et destructeur tout à la fois, elles protègent contre les angoisses existentielles les citoyens, et notamment les Humanistes..

Cependant, l’amenuisement voire l’abrasion de ces institutions – comme nous pouvons l’observer y compris les institutions internationales type ONU, CPI, etc.–, ont de graves conséquences. Ces changements plongent l’individu et le collectif, ainsi désarmés, vers la sensation d’une perte de sécurité psychologique et peuvent nous plonger, comme en retour de bâton, au niveau archaïque, dans un stade régressif qui arase nos systèmes défensifs, et déploie les paranoïas, voire ouvre à une dépression qui s’instille sournoisement auprès de nous dans une société déstabilisée et à l’épreuve d’un réel pétri d’angoisses existentielles.

Comment donc assurer cette filiation, assurer les greffes des jeunes pousses à l’épreuve de la rigueur, sans doute par l’initiation, par ces « gardes fous » du rituel et par « l’apprentissage » et l’observance de la responsabilité collective qui trace ses racines dans la responsabilité personnelle et individuelle.

Chaque individu se revendiquant Humaniste est responsable de son propre perfectionnement moral et doit travailler pour perfectionner et appliquer les valeurs de sagesse et de fraternité. C’est par l’exemple que s’effectue la transmission.

Dans l’existentialisme Jean-Paul Sartre nous dit : « L’homme ne devient pas ce qu’il est, il est ce qu’il devient, et met l’accent sur la responsabilité individuelle, l’homme est condamné à être libre » affirme-t-il, par là-même il décline que ses choix le responsabilisent, l’obligent. Et puis pour poursuivre avec Vladimir Jankélévitch, « Il convient de passer du malheur à la responsabilité, en convoquant les vertus propres aux héros anonymes et désintéressés : la fidélité, le courage et le sacrifice. »

La responsabilité sociale et politique envers les générations futures

Hans Jonas, élève d’Heidegger et d’Husserl, dans son ouvrage « Le Principe responsabilité » déclare :

  • À une grande liberté, on associe une grande responsabilité : plus une personne a du pouvoir, plus les conséquences de ses actes peuvent s’avérer gigantesques.
  • Aujourd’hui, l’Humanité possède le pouvoir technologique de s’autodétruire : l’Humanité entière est l’objet de la responsabilité. Elle est vulnérable par rapport à l’agir d’un ou plusieurs individus. La responsabilité porte sur l’Humanité entière.

Jonas, professeur à Jérusalem, New-York et Munich dans ses travaux, déjà anciens 1979, souligne comment s’ajoute à la responsabilité de l’homme vulnérable dans la cité, celle de « l’anthropocentrisme », une nouvelle dimension de la responsabilité dans ce monde dominé par la technique. Il égratigne au passage son ancien – Kant –, « la domination de la technique et les effets collectifs et à long terme de l’action humaine a frappé la morale kantienne d’obsolescence. » En effet, a cette sentence légendaire : Agis de telle sorte que tu puisses vouloir que ta maxime devienne une loi universelle, il propose de lui substituer : Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la Permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre. Pour Jonas, être responsable c’est accepter d’être « pris en otage » par ce qu’il y a de plus fragile, que nous le voulions ou pas, nous sommes les architectes de la société à venir, il ajoute dans son ouvrage « Le Principe responsabilité » : Ce qu’il s’agit de préserver et de protéger, ce n’est pas notre propre vie, mais la vie de tout ce qui, à l’avenir (...) apparaît comme essentiellement fragile et menacé, que ce soient les générations futures, non encore nées, ou la nature elle-même. Ainsi, Jonas table sur sur la peur, Tchernobyl, Fukushima, mais aussi, plus près de nous, les raz-de-marée, les incendies gigantesques, la fonte des glaces, etc., et prédit en le déplorant que : Il est beaucoup plus probable que la peur obtienne ce que la raison n’a pas obtenu et qu’elle parvienne à ce à quoi la raison n’est pas parvenue.

La responsabilité « prévisionnelle » remplacerait « l’euphorie du rêve faustien ». Pour conclure, la notion de responsabilité envers les générations futures est impérativement une exigeante méditation sur cette situation paradoxale qui doit tenter de dégager avec toute la rigueur du concept l’impératif catégorique et les normes rationnelles valables pour l’agir éthique dans une situation inédite.

Responsabilité, désobéissance et/ou obligation

Hannah Arendt nous dit, l’homme libre est un faiseur de miracle. Hannah Arendt, élève d’Heidegger également, est avant tout une politologue, elle considère que la majeure partie de la philosophie politique depuis Platon s’interpréterait aisément comme une série d’essais en vue de découvrir les fondements théoriques et les moyens pratiques d’une évasion définitive de la politique.

Dans les articles publiés à l’occasion du procès du haut dignitaire nazi, Adolf Eichmann – rappelons que ce dernier était le spécialiste aux « questions juives » du régime nazi, et que à ce titre il exerça une responsabilité importante dans le génocide. À l’occasion de sa couverture du procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961, Arendt est l’objet d’une polémique importante dans la communauté juive internationale. Elle décrit Eichmann comme l’exécutant dépourvu de pensée qui le conduit à pouvoir commettre n’importe quelle violence. Pour sa défense Eichmann aura fait appel à la responsabilité collective du système nazi niant et occultant ainsi sa responsabilité personnelle. Il aura tout le long de son procès cherché à se disculper de sa propre responsabilité morale et politique devant la justice des hommes, simulant de ce fait une sorte d’aliénation due à sa condition d’homme ordinaire.

Le reproche essentiel adressé à Arendt, pour sa célèbre formule de 1963 « la banalité du mal » est de donner la possibilité que le cas de ce tortionnaire pourrait se révéler être un cas de déresponsabilisation devant l’histoire et par là-même être jurisprudentiel…

Par ailleurs, dans ses nombreux textes et prises de position, Arendt se refuse à identifier son discours à celui d’un groupe constitué, d’un peuple ou d’une collectivité, autre sujet de polémique intense encore aujourd’hui ! Ainsi les critiques d’Arendt envers l’attitude des notables de la communauté juive face aux persécutions nazies lui sont particulièrement reprochées. On lui reproche également de banaliser les violences nazies, ou d’éprouver trop de compassion à l’égard d’Eichmann.

Le « défi moral et même juridique » qu’Arendt évoque renvoie à cette idée de « banalité du mal ». Comment comprendre qu’un homme qui n’est pas un fanatique puisse être capable de crimes d’une telle ampleur ? La responsabilité de sa participation à la « solution finale » sera démontrée, les 15 chefs d’accusation retenus, condamné à mort il sera exécuté le 31 mai 1962 !

Il n’éprouvera aucun remord, les observateurs ne recelèrent aucune trace de culpabilité de sa part…

Sans trancher ces controverses, cet épisode terrible et peu glorieux de l’histoire des Hommes au siècle écoulé, ce procès est aussi celui du questionnement de la responsabilité individuelle exercée reconnue par l’institution, le jugement des hommes et celui de l’accusé qui se refuse à toute culpabilité juridique et morale.

Simone Weil et Joseph Wresinski, les vraies nécessités

Pour Simone Weil, la liberté est associée au sujet pensant, fidèle à Kant ou à Descartes elle soutient que la pensée et le jugement c’est ce qui donne la plus grande valeur à l’être humain, ce postulat s’applique naturellement aux Humanistes et elle ajoute que celui-ci ne peut abdiquer sous aucun prétexte sans se déprécier. Simone Weil hérite, de son professeur de lycée Alain, d’une préoccupation pour deux notions qui auront une forte incidence sur sa conception de l’obéissance, soit la nécessité et l’esclavage, ainsi que la conviction que l’ordre social et la liberté exigent des citoyens responsables un double devoir d’obéissance et de résistance aux pouvoirs, aussi écrit-elle à Londres en 1943 :

« Mille signes montrent que les hommes de notre époque étaient depuis longtemps affamés d’obéissance. Mais on en a profité pour leur donner l’esclavage. » L’Enracinement, publié en 1949 chez Gallimard.

Un autre penseur, peu connu fondateur de ADT Quart Monde en 1956, Joseph Wresinski rappelle la responsabilité individuelle et collective d’être de fervents défenseurs des Droits de l’homme.

La misère dont il appelle l’éradication est la première atteinte aux droits fondamentaux de l’homme. Il considère en effet absurde (sinon cynique) de parler de liberté d’expression ou de liberté de culte quand les hommes censés jouir de ces droits sont privés du nécessaire. Ce que dit par ailleurs le texte gravé sur l’esplanade du Trocadéro à Paris : « Là où les hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »

Le travail de la politique, selon Weil, consistait à identifier les « vraies » nécessités (à distinguer des « fausses ») auxquelles les individus sont tenus d’obéir. Ces vraies nécessités ont conduit Weil à formuler la notion d’« obéissance surnaturelle », laquelle suppose une ambiguïté dans sa compréhension du rapport de l’individu avec la nécessité entendue comme liberté.

Et c’est là que la responsabilité du citoyen entre en jeu ?

La pensée de Simone Weil rejoint une des intuitions fondatrices du Mouvement ATD Quart Monde : la responsabilité d’apporter de l’aide, non seulement, ne saurait être que matérielle – les besoins de l’homme outrepassent ceux de son corps ; mais surtout, l’aide sera nulle, voire destructrice, si elle ne nourrit pas ce besoin vital de responsabilité. Nous n’avons pas à apprendre à un homme qui est dans la misère comment vivre la pauvreté. Il le sait mieux que quiconque. Nous autres qui voulons aider, qui donc ressentons le besoin d’assumer la pleine responsabilité de ce monde, avons à apprendre de lui en reconnaissant d’abord qu’il est déjà un homme en résistance, qu’il lui revient donc d’enrichir les autres de son propre combat.

Cette responsabilité qui fait l’humanité de tout homme, « nous la partageons même avec les ressortissants du Quart Monde. Car eux aussi, écrit Joseph Wresinski, eux peut-être plus encore que nous, sont poussés par les réalités de l’existence à écarter et à exclure les plus pauvres parmi eux. »

Insister sur la primauté de la responsabilité n’est pas rendre les plus pauvres coupables de leur misère. Le discours qui, actuellement, stigmatise les hommes et les femmes en difficulté en leur faisant porter l’entière responsabilité de leur malheur est inspiré de ce primat du droit sur l’obligation. La même manipulation des Droits de l’homme en est la source :

« Puisque tous les hommes ont les mêmes droits, l’échec de ceux qui sont dans la misère, ils ne le doivent qu’à eux-mêmes ! » Dans ce type de discours, s’il s’agit de « s’en sortir », c’est donc individuellement. Mais une fois compris que l’obligation est au principe des droits de l’homme, chacun se trouve contraint, personnellement et plus que tout autre, de reconnaître la responsabilité qui le lie à tout homme. Restituer l’homme pauvre dans sa responsabilité revient au contraire à affirmer que, de la misère, on ne s’en sort qu’ensemble : « faire peuple », voilà ce que permet la reconnaissance du primat de l’obligation sur le droit et de la responsabilité comme besoin vital de l’âme.

On peut en déduire, selon ces deux penseurs, que la responsabilité est un besoin vital, nous pourrions sans hésiter, je crois, adopter cette idée généreuse et ambitieuse.

Pour une forme de conclusion provisoire, et incomplète j’en conviens, souvenons-nous que la responsabilité requiert la liberté, liberté qui est le devoir de la pensée et de l’émancipation, alors, brisons les chaînes qui nous oppressent sans jamais rompre celles qui nous unissent.

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